dimanche 25 octobre 2015

5 au 11 octobre - Welcome in China!


Premier kilomètre chinois

Nous traversons la frontière le lundi 5 octobre, au matin. Soleil et tempête de ciel bleu pour ce passage en terre chinoise. Nous n'y croyons pas, nous foulons une route toute belle asphaltée, un sentiment d'enthousiasme nous emplit le coeur. On remet le compteur "temps" à zéro, nous avons 2 mois (peut-être 3 si nous décidons de faire prolonger notre visa) pour traverser du nord au sud ce gigantesque pays. 







A partir d'aujourd'hui, la communication sera drôlement difficile...
 
Après une quinzaine de kilomètres poussés par un agréable vent dans le dos, nous atteignons la première ville chinoise, Takashkien. La mission est de trouver le point de vente pour obtenir un billet de bus pour la capitale de la province du Xinjiang, Urumqi, située à quelques 400 km de là. C'est en suivant les instructions de nos amis cyclo-savoyards, passés par ici deux semaines avant nous, que nous trouvons l'épicerie-salle de billard-bureau de vente pour les billets de bus. Commence un micmac incompréhensible dans une langue totalement étrangère à nos oreilles. Fort heureusement, arrivent au guichet 3 jeunes étudiants chinois qui deviennent nos interprètes. Jonas comprend pour finir qu'il ne reste plus qu'une seule place pour aujourd'hui. Ces trois étudiants nous sont passés devant... Pas de chance, welcome in China, il faut savoir ce qu'on se veut ici!

Il faut attendre jusqu'à demain 15h pour quitter ce bled pas super folichon. En attendant, et pour se permettre de réfléchir à d'autres alternatives, nous allons manger notre premier repas chinois dans un très bon restaurant à la cuisine du Sichuan. Quel bonheur de trouver des saveurs épicées, des légumes cuits vapeur, des nouilles sautées! Vers 16h, le temps change, à ne plus mettre le nez dehors! Et encore moins à pédaler et poser le camp un peu à l'extérieur de la ville. Nous restons là, deux cyclistes inquiets sans toit ni solution pour la suite. N'ayant que peu de devises chinoises, (pas de bancomat dans cette ville), nous ne pouvons nous offrir l'hôtel et le bus le lendemain. Nous irons à Urumqi en stop, alors!

À la sortie de la ville, nous observons le passage des camions de gravier et autres 4x4, ralentissant devant le check-point. Malheureusement, ces véhicules ne peuvent nous embarquer. Jonas se renseigne vers un gars en uniforme au poste de contrôle. Ni une ni deux, le gendarme utilise son téléphone pour faire la traduction simultanée et comprend notre besoin. Il appelle des connaissances et nous trouve un "taxi" pour Urumqi.

Quelques instants plus tard, nous sommes embarqués dans une camionnette Iveco au pont ouvert. Y sont déposés nos vélos, nos 10 sacoches ainsi qu'une culasse de camion. Sur le coup des 18h, après un petit tour en ville pour remplir les sièges vides du véhicule, nous quittons Takashkien, coincés comme des sardines. On se demande combien de temps pourrait durer le trajet... Petit calcul vite fait, 400km divisés par 80km/h de moyenne, on pourrait arriver peu après minuit. Mais ca ne sera pas le cas! A la nuit tombante, il pleut des seilles. Soudain, une explosion retentit sur le coté du véhicule. Le chauffeur s'arrête, sort et constate les dégâts. Il fait mine de réparer vite fait et revient au volant, roule sur quelques centaines de mètres. On pense à l'habituelle crevaison, évidemment! Le véhicule s'arrête à nouveau, les hommes en descendent, les femmes peuvent rester au chaud. S'ensuit une réparation des plus rocambolesques. La mâchoire du frein avant a avancé d'un quart de tour sur son axe. Et ces hommes parviennent à réparer cela avec une maigre caisse à outils et un savoir-faire hors-norme! Une heure plus tard, nous voilà repartis pour de bon.

Au milieu de la nuit, arrêt sur une aire de repos pour la pause souper. Nous avons donné tout ce qui nous restait au chauffeur pour payer le voyage, nous n'avons plus de sous, mais nous suivons tout de même les autres voyageurs à l'intérieur du boui-boui pour y boire un thé. Ayant pitié de nous, chacun des passagers dépose un billet sur la table afin de nous payer une délicieuse assiette de nouilles sautées. Même le chauffeur contribue à la tirelire.

Par la fenêtre, entre deux assoupissements, nous observons un défilement sans fin d'usines, de centrales nucléaires ou électriques éclairées de mille lumières, de raffineries de pétroles... Nous voilà témoins des besoins énergétiques monstrueux de ce pays à la croissance démentielle. Et bien heureux de s'épargner ce trajet à vélo! 



Urumqi by night


Nous arrivons à Urumqi, cassés et fatigués, à 5h du matin. Il fait nuit, sec et froid, pas un café d'ouvert. Dans les rues, personne pour nous aiguiller dans notre recherche de l'auberge de jeunesse. Nous finissons par la trouver à 8h, après avoir tourné en tous sens dans les rues de cette gigantesque ville de 3 mio d'habitants. Routes sur plusieurs étages, à plusieurs voies, néons, klaxons, buildings immenses et publicité omni-présente... Que le dénuement et le calme de la Mongolie nous semblent lointains!

On arrive peu après la Fête nationale chinoise, de belles décorations enjolivent les rues


Une journée repos s'impose... Nous sortons de l'auberge vers 15h après une bonne sieste. Nous découvrons la frénésie de cette ville-foumillière, dans laquelle nous avons circulé seuls au petit jour. Le ventre creux, nous goûtons à tout ce qui nous tombe sous la main: fruits séchés, noix et amandes salées au miel, pâtisseries et feuilletés, patate douce cuite au charbon, kakis, mandarines, baguette à l'ail, pains au sésame. Nous terminons notre orgie culinaire avec une crêpe pimentée farcie de pois chiches, de haricots et de rondelles de tofu. Après 2 mois du roboratif et graisseux "tsuivan", plat national quasi unique de Mongolie, nous sommes complètement surexcités devant la diversité et la qualité de la nourriture en Chine. Revers de la médaille, Jonas passe sa nuit sur les gogues, se vidant de tant d'excès. Cela ne nous empêchera pas de goûter aux cuisines chinoise, coréenne, tibétaine et ouigoure en moins d'une semaine!


On fait le plein de vitamines C


Et  on teste les spécialités locales

Raisins, melons, mandarines, kakis, pommes, bananes, kiwis, etc

Découvrant peu à peu la ville, nous sommes frappés par l'ampleur de la présence policière ainsi que les contrôles extrêmement poussés dans tous les lieux publics. Des soldats, aussi immobiles que les gardes de Buckingham Palace, sont "exposés" à côté de tanks, tandis que des équipes de SWAT quadrillent les rues. Nous réalisons combien la situation est toujours tendue dans la province autonome du Xinjiang, et plus particulièrement à Urumqi qui fut récemment le théâtre d'attentats (dernier en date, mai 2014, explosion kamikaze dans un marché de rue faisant 31 morts). Réponses sanglantes à la répression politique, religieuse et culturelle des Ouigours, peuple turcophone et de tradition musulmane par la majorité Han.

Passer par les auberges de jeunesse apporte son lot de rencontres. Nous sympathisons avec 3 cyclos coréens qui voyagent en Chine depuis 6 mois, Min, Lee et Paul. Ils nous accompagnent à la gare pour nous aider à acheter notre billet de train-couchette pour Xining, puis ensuite à la recherche d'informations pour l'envoi de nos vélos par cargo, et enfin au centre commercial pour l'achat de notre ordinateur. Min, le plus bavard du trio, a appris le mandarin pendant son voyage, ce qui lui permet de négocier les prix. Que le choix est vaste! Tablette avec clavier, ordinateur avec écran tactile et détachable, ou laptop ultramoderne. Nous repartons avec le plus économique et le plus simple, c'est à dire un portable conventionnel de 13 pouces. On nous offre une carte sd 16gb et un sac à dos, en promotion. Tout cela pour 2500 yuans, ou 400 chf. Nous pourrons ainsi mettre à jour notre blog de manière plus régulière. 






On s'engage dans ce mall pour acheter un nouvel ordinateur!

Nim notre interprète coréen
En route pour un tour à la gare


Nous passons 3 jours dans la mégapole avec nos trois confrères cyclophiles, à déambuler en taxi de quartier en quartier, savourer les fruits frais des marchés de rue, manger les shashliks (brochettes de mouton) dans le quartier musulman, savourer des bons plats.


Les rues embrumées par les grillades de shashliks





Emballage de nos sacoches pour l'envoi par fret

Visite by night du quartier musulman


Vendredi soir, nous arrivons à la gare centrale d'Urumqi avec un peu d'avance. On se croirait dans un immense aéroport. Une succession de portiques de sécurité, tapis roulant aux rayons X, fouilles, contrôles d'identité et de titre de transport, nous sommes heureux d'être délestés de nos vélos et de 45kg de bagages! Cette fois-ci, nous avons l'impression d'être des backpackers, ce qui nous convient bien pour ce voyage en train. Nous patientons dans une salle d'attente immense, pleine de gens aux visages si différents les uns des autres. Nous observons tous ces peuples à l'héritage culturel si varié, vivant au sein d'un même pays, ce qui ne va malheureusement pas sans heurts. Une jeune femme ouigoure, Manzira, nous accoste, elle parle un bon anglais, étudie la médecine à Xi'an. Nous sommes dans le même wagon, chouette! Notre train entre en gare, les portiques s'ouvrent, une masse populaire s'engouffre dans les couloirs menant au quai. Ouf, nous voyageons léger cette fois-ci.

L'arrivée dans le train se passe sans bousculade. Nous prenons place sur nos couchettes, la mélodie du "Lac des Cygnes" en fond sonore. Nous n'en croyons pas nos oreilles. Les voyageurs prennent place dans le wagon avec calme et sans excitation. Il est 22h53, le train se met en route à l'heure prévue. À croire que les montres suisses sont arrivées jusque-là. Nous apprenons qu'à minuit, le wagon éteindra ses lampes et sera plongé dans l'obscurité jusqu'au petit jour. Après avoir brossé les dents, on s'enfile dans les draps de la couchette, pas si inconfortable. La nuit est douce et berçante, nos souvenirs de transsibérien refont surface pour notre plus grand plaisir.

Réveil et petit déjeuner bien garni. Nous savourons notre melon et autres pains de sésame enduits de lait condensé. Les gens du wagon partagent leur nourriture avec nous, petits poissons séchés épicés, gâteaux fourrés et pamplemousse... Nous sommes bien gâtés.


Un bébé déjà bien patriotique

Train chinois

Dehors, le paysage est vaste. Une immensité pierreuse dans les tons ocre jaune. Nous traversons un désert de cailloux, venteux, fort heureusement en train! Après plusieurs heures de ce même paysage, une succession de petits villages maraîchers, aux cultures de céréales irriguées par de savants canaux quadrillés. Le calme de ce paysage mélancolique est rompu par de grosses villes sans âme aux blocs d'habitation froids et sans harmonie.

Nous passons du temps avec Manzira, échangeons un peu sur nos vies respectives. Elle nous apprend que les Ouigours se sont vus confisquer leur passeport sur ordre du gouvernement de Pékin, il y a quelques années. Impossible pour elle de se rendre à l'étranger!
 
Dégustation de melon avec Manzira
"Sandwich, Mineral, Kaffee"
Nous sentons que le train prend de l'altitude. Cette ligne ferroviaire a été inaugurée en 2014, et traverse le plateau du Mont Qilian, dont le sommet avoisine les 3600m d'altitude. Nous découvrons sur le GPS que nous sommes à 3100m, alors que nous entrons dans le tunnel le plus haut du monde traversé par un train à grande vitesse. Il fait noir pendant plus d'un quart d'heure. Nous en ressortons à 3500m, le soleil traverse les vitres, éblouissant. Nous redescendons en pente douce dans un paysage sec et serein, jusqu'à atteindre Xining, capitale de la province du Qinghai, en début de soirée. Une douceur saisonnière digne d'un été indien nous accueille dans cette ville située à 2200m au-dessus de la mer.

À la sortie du hall principal, un homme d'une quarantaine d'années nous aborde, voyant que nous recherchons quelque chose. Nous avons entre les mains notre quittance pour le retrait de nos vélos partis 2 jours avant nous d'Urumqi. Commence alors une course folle à la recherche du bureau de retrait des marchandises, avec ce monsieur qui nous précède, portable à l'oreille, tentant vainement d'atteindre le bureau. Nous découvrons que l'office des retraits est fermé, qu'il faudra revenir le lendemain. Nous remercions chaleureusement notre guide, il nous fait monter dans un taxi en prenant soin d'indiquer l'adresse de notre auberge de jeunesse au chauffeur, puis retourne rejoindre sa femme qui est restée dans le hall de gare. Nous sommes agréablement surpris par son aide spontanée. Bel accueil!

Nous visitons Xining, ses marchés et sa grande mosquée, mélange très particulier de styles architecturaux. Dans la rue, des Chinois nous abordent pour se faire prendre en photo avec nous, ça nous fait un peu bizarre. Peu avant d'aller récupérer nos vélos, nous découvrons le marché aux thés. Nous flânons entre les boutiques, lorsque nous sommes hélés par un monsieur qui nous propose de déguster des thés dans son échoppe. Nous y passons l'après-midi, charmés par la bonne humeur du maître-thé , et la qualité de ses "wuyi rock oolong". Nous découvrons le cérémonial de dégustation du thé, tout un art! C'est magnifique. Nous repartirons avec plusieurs échantillons des nectars goûtés, tout natuellement offerts après la traditionnelle "séance-photo".


Les pains ouigour, seuls pains de toute la Chine
Poissons séchés et sieste au soleil


Ceci est une mosquée. Si si!



La cérémonie du thé
Nous finissons par aller chercher nos vélos et bagages en fin d'après-midi, pressentant que nous allons une fois de plus pédaler de nuit...

2 commentaires:

  1. A nouveau de superbes découvertes et de très beaux contacts avec la population.
    C'est un plaisir de vous lire et de vous sentir bien dans ce que vous faites.
    Profitez bien.
    Toute grosse bise.
    Pierre

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  2. C'est un plaisir d'avoir pu vous aiguiller sur le bus même si au final vous avez pris le srop... et concernant le ventre, bienvenun club Jonas, Dam a fait la même erreur à Urumqi avec tous ces petites choses à manger partout !

    Des becs 😀

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