dimanche 11 octobre 2015

18 septembre au 5 octobre - Ouest de la Mongolie


Nous quittons la maison de Barbara et Jason, le ventre plein de deux jours de crumble, cookies et autres muffins.
La famille Henry, habitant depuis 20 ans en Mongolie

Le bus pour Ulaangom, parti de Ulaanbaatar, est annoncé pour 13h. Vers 14h, toujours rien... Le bus se pointe finalement peu avant 16h, cahin-caha. Un défilé de gens particuliers en descendent pour se ravitailler au boui-boui local servant également de gare routière. Un gars bourré à la vodka (dissimulée dans une bouteille d'eau), dort encore sur son siège. Le bus démarre finalement sur le coup des 17h, après que le conducteur a soigneusement resserré les boulons des roues et trifouillé deux-trois bricoles. Le voyage durera 16h, dont la majeure partie sur des pistes de sables et de cailloux. Les sièges sont brinquebalants et inconfortables, nos genoux coincés dans le dossier de devant.

Au milieu de la nuit, le bus s'enlise dans le sable. Le conducteur pelle le sable pour dégager les roues, une quinzaine de gaillards poussent le bus pour le sortir de ce mauvais pas. Plusieurs fois, on s'arrête au milieu de nulle part pour réparer l'une ou l'autre avarie mécanique, ou pour la pause pipi. Après 550km et une bonne nuit blanche, nous arrivons enfin à Ulaangom, exténués et rebouillés.
 

L'autobus Ulaanbaatar-Ulaangom
Le jour se lève, nous entrons dans un hôtel qui nous semble confortable, rêvant d'une bonne douche. Las, une coupure d'électricité nous prive d'eau toute la journée. Le ventre d'Emmanuelle, ayant souffert du passage brutal "porridge/riz-carottes/oeufs au plat" aux multiples pâtisseries américaines, fait des bruits de vieille tuyauterie que l'on entend à 20m.

Le lendemain, nous renonçons à prendre la route de Bayan-Olgiy avec son col, encore un peu patraques et à court de temps avec notre visa. Nous décidons de descendre directement sur Olgii, 100km plus au sud. Nous espérons faire du stop en chemin et gagner du temps pour traverser les montagnes qui dans cette région sont déjà enneigées. Malheureusement il n'y a aucune circulation sur cette route non asphaltée, hormis quelques rares motos. Motivation difficile, avancer nous prend du temps, 15km de piste c'est une matinée de pédalage.

"Ou est passée notre envie de voyager?
Nous tombons malades à intervalle régulier
Prendre le bus est une corvée
Nos vélos durant des heures entrechoqués
Les estomacs déboussolés
Aussitôt lavés, aussitôt empoussiérés
Accroupis, faire à manger
Une légère brise nous fait rêver de nous envoler
À vélo, bien compliqué
Camper, fin de la journée. Des passages motorisés, souvent intéressés
Ou va-t-on, pourquoi? Les routes pleines de cailloux et ensablées
La Mongolie, c'est d'une beauté sans pitié."
Extrait du journal de bord de Jonas

Nous roulons dans un paysage caillouteux, semi-désertique. L'eau se fait rare, le vent de côté souffle si puissamment qu'il nous fait sortir de la piste. On ne dirige plus le guidon. Une soudaine tempête de grêle nous fige sur place, aucun abri, on patiente derrière nos sacoches.

Pause café. Ce monticule funéraire nous protège un peu du vent


Au bout de deux jours, nous n'en pouvons plus et arrêtons une camionnette russe qui passe, inespéré! Nous sommes conduits jusqu'à Olgii pour les derniers 30 km. Le chauffeur, Soidov, nous invite gentiment à passer la nuit dans sa maison. Sa femme nous accueille avec le traditionnel sute tsai (lait chaud légèrement salé), les boortsog (beignets de farine cuits dans la graisse de mouton) et un grand tsuivan (pâtes fraîches au mouton avec quelques patates et carottes). Nous passons une soirée inoubliable, en chansons, guitare et harmonica. Le bonheur de cette famille nous fait oublier nos difficultés et nous réchauffe le coeur.


Orgildalai et Davabuyan, le fils et la femme de Soidov
Olgii City. La chaîne de l'Altai en toile de fond
Nous prenons congé de nos hôtes le lendemain matin, en piste pour Khovd. Le paysage est beau mais monotone. Nous subissons à nouveau les forces du vent et le climat automnal. Aucun point d'eau, peu de vie.


La piste est longue, mais offre des paysages méditatifs
Petit diner en court de journée



Encore un spot de bivouac à donner envie à nos amis suisses...
Le deuxième jour, peu après avoir fêté nos 3'000 km, nous décidons d'arrêter un autobus qui passe. Il nous amène à Khovd, 80km plus loin. Profitant d'un jour de pause dans cette ville, nous visitons le musée régional de Khovd. Nous prenons toute la mesure du manque de moyens à disposition, vitrines fendues, pauvres bêtes laborieusement empaillées, à l'allure mitée, batraciens et reptiles conservés dans des pots à confiture à moitié remplis de formol, ampoules chevrotantes, costumes traditionnels défraîchis. Les murs arborent de vieilles photographies décolorées.

Jeu de billard-poker. Incompréhensible :P
Marché aux fruits et légumes
 Khovd est la ville de la pastèque, comme en témoigne cette superbe sculpture
Mais, que fait-il?
Notre prochaine étape: Bulgan, 387km, ou nous traverserons la frontière sino-mongole. Toute la route y menant est asphaltée, c'est reposant. Plusieurs cols se succèdent, nous permettant de filer comme des flèches à la descente.
En avant!


Le col après Khovd
Chameau(x)


La belle route asphaltée menant à Bulgan

 
Préparation de la soupe aux légumes maison
Dans le vent!
Ce berger promène ses veaux dans la steppe aux buissons épineux
La neige n'est pas loin
Peu après Mankhan, la neige nous surprend. On n'y voit pas à 20m. Un camion arrive derrière nous, Jonas l'arrête, nous poursuivons notre route avec les deux Mongols. À 2'300m d'altitude, après 30km de montée, un pneu crève en pleine tempête de neige. Nous quittons à regret la chaleur de la cabine et poursuivons la montée à vélo.

Pneu crevé, tout le monde descend... En pleine tempête de neige
Le soleil joue à cache-cache avec les nuages. Après un premier col, nous avons droit à une longue descente, entourés d'un panorama magnifique de sommets de 4'000m enneigés. Il fait si froid que nous ne sentons plus nos pieds, nos mains gantées sont douloureuses et notre souffle embue nos lunettes.


Jonas regarde le GPS. "On est encore loin ou quoi?"
20 km de descente, à se geler les pieds...
A 18h, congelés, nous avisons une yourte au loin. Peut-être y trouvera-t-on un abri chaud pour passer la nuit. Le vent a encore forci, la nuit est tombée, la température est bien en-dessous de zéro. Arrivés devant la ger, nous indiquons notre présence par un bonjour local, mais rien ne bouge. Jonas tente d'ouvrir la porte protégée d'une lourde tenture, quand une main venant de l'intérieur défait le noeud. Une agréable odeur de mouton se dégage de l'intérieur et l'air y est agréablememnt réchauffé. Nous sommes accueillis et hébergés par 2 costauds gaillards qui préparent leur repas du soir. Nous dégusterons leur soupe de mouton accompagnée de notre riz préparé sur leur poele. Nous nous comprenons à travers notre guide de conversation, quelques gestes et des sourires. Nous apprenons que le lendemain, le plus jeune des deux fête son 28ème anniversaire. La nuit est très chaude, car avant de se coucher, le plus âgé bourre soigneusement le poêle de charbon. Il y a des mines dans toute la région, les camions ne cessent de faire des aller-retours avec leur chargement.


Le sute tsai (thé au lait chaud salé)
Préparation du souper
Visites à la ger le lendemain matin
Au lendemain matin, nous agrémentons les boortsogs de confiture et de lait condensé. Nous partageons notre petit-déjeuner avec nos hôtes qui préfèrent réchauffer leur mouton de la veille. Après les essais habituels des vélos par nos hôtes, nous reprenons la route du col sous un ciel ensoleillé et une légère brise nous soufflant dans le dos. La route est bien lisse, goudronnée il y a peu. Au bout d'une demie-heure, le pneu de Jonas est tout plat. C'est sa première crevaison depuis le départ! S'ensuit un rapide changement de chambre à air, nous ferons la réparation tranquillement à l'hôtel...

Une vue splendide sur les montagnes enneigées la veille
Première crevaison pour Jonas, après 3'200 km
Nous voilà repartis pour les 20 kms qui nous séparent du plus haut col de notre itinéraire, culminant à 2860m. Sur la route, il reste un peu de neige tombée la veille. Le ciel est toujours superbe et promet une descente des plus agréables. Nous apprenons que depuis le col, la route est en pente descendante jusqu'à la plaine, quelques 100 km plus bas. Youhhhhrrah!


La route qui nous emmène au sommet du col

Col Ulaan Davaa, 2860m

Splendide descente sur Altai Sum

Nous suivons le cours d'eau, de sa source sur une centaine de kilomètres.
À mi-descente, vers 18h, nous apprenons par un touriste chinois en route pour la Fête de l'Aigle de Bayan-Olgii, que son pays célèbre la fête nationale le 1er octobre, et que la frontière sera fermée à partir du lendemain pour, pense-t-il, entre 4 et 10 jours! Notre visa mongol expirant 3 jours plus tard, le 4 octobre, nous sommes un peu inquiets des conséquences d'un passage en frontière hors délai! Nous en restons comme deux ronds de flanc, au bord de la route.

Le camp d'ouvriers, à la tombée de la nuit. Une yourte est démontée pour l'hiver
Nous apercevant de loin, le "securitas" d'un camp d'ouvriers nous invite à partager la chaleur de son poêle et la cuisse à ronger de son mouton. Il finit par nous proposer de dormir dans une yourte, à condition que nous partions avant le lever du jour. Nous acceptons et mettons le réveil à 5h. Il doit bien faire -10, ce matin-là. Habillés de multiples couches, bonnet, gants et lampe frontale, il nous faut une quinzaine de kilomètres pour nous réchauffer de ce froid polaire. Tantôt la vallée s'ouvre sur de beaux paturages, yourtes parsemées, tantôt elle se ressert sur une belle gorge escarpée. Nous filons, silencieux, avec nos bicyclettes. Un vent de liberté. Quelle chance d'être là, au petit matin, et glisser du haut de la montagne jusque dans la plaine aride du sud de l'Altai.





Nous passons de 2300m à 1200m en une demi-journée. C'est avec grand bonheur que nous retrouvons des températures saisonnières et quelques arbres aux couleurs saisissantes. C'est à l'aide d'une camionnette arrêtée en cours de route que nous rejoignons Bulgan dans l'après-midi. Une nouvelle aventure! Nous partageons le pont boisé de la camionnette avec 4 chèvres qui pissottent et caquettent sur nos sacoches!

À Bulgan, la réceptionniste de l'hôtel nous informe que la douane est effectivement fermée ce jeudi et vendredi, mais rouvrira dès lundi. Nous restons alors 2 jours dans un bon lit douillet, avec toutes les commodités nécessaires à une bonne remise en forme après notre semaine de froid. C'est à l'aéroport de brousse de cette bourgade que nous trouverons du WIFI, inexistant dans toute la ville. Nous pouvons enfin donner des nouvelles à notre famille et amis. Ça fait aussi du bien de les lire.

"Internet café" de Bulgan
P'tit déj à l'hôtel
"Le voyage est beau, Mongolie, on s'en va. On compte les kilomètres. Adieu Bulgan! À travers les montagnes, 50km, puis 40, 36, 25. Les panneaux au bord de la route nous indiquent que l'on approche de la Chine. Une route bien droite ou quelques voitures et motos passent, nous font signe, leurs occupants nous souriant. Ce soir, on pose le camp sur un désert de pierre encolliné de dunes de caillasse. Encore un bivouac au milieu de rien. Il fait doux au coin du feu, quelques branches glânées au hasard. La Mongolie, ç'aura été plus de 1'500km à pédaler sur des pistes sans voitures, dans des décors à couper le souffle, avec des accueils simples et authentiques."
Extrait du journal de bord de Jonas

Peu après Bulgan
Dernier bivouac, sur la lune

Que de surprises! À 6km de la frontière, dimanche soir, jour d'échéance de notre visa, le chef des gardes-frontière nous invite chez lui, sous son aile pour la nuit. Il parle anglais, comprend notre situation, appelle son pote douanier qui nous attendra le lendemain devant les portes de la frontière. Un dernier tsuivan préparé sous nos yeux par sa femme, un café, des bonbons, du pain maison, une merveille, le ventre bien rempli. Nous ne dormirons pas sous tente, mais dans l'infirmerie de la caserne, déguisée en "love motel". Regardant le ciel, une étoile-filante traverse les yeux d'Emma en cette dernière nuit en Mongolie. Bon présage pour la suite, et vive le voyage. On se réjouit!
Dimanche soir, la frontière est fermée
Le "Love Motel" de la caserne des gardes-frontière
Le passage en douane est expédié en une heure et demi, notre jour de dépassement de visa même pas relevé par le douanier mongol. Du côté chinois, nous avons dû déballer toutes nos sacoches, les remballer puis les passer au rayons-x, tandis que toutes nos photos étaient passées en revue ainsi que le contenu du natel et de notre clé USB. Tout cela avec la plus grande courtoisie bien sûr :P Bienvenue en Chine!

1 commentaire:

  1. Et bien les courageux. Encore une fois vous nous donnez de quoi sentir vos émotions, vos coups de souffrance, de blues mais aussi vos coups de coeur et vos belles et généreuses rencontres.
    Plus de 3200 kms, un col à 2680 m, 100 kms de descente... et une seule crevaison, c'est fantastique et j'imagine les milliers de paysages, de rencontres, de découvertes qui vont rester à jamais dans votre coeur et dans votre mémoire.
    On sent que cette fois vous êtes dedans, pleinement, goulûment et que vous y avez pris goût même dans les moments les plus durs qui enluminent aussi les moments les plus HEUREUX.
    Bonne suite...
    Toujours un grand plaisir de vous lire et de vous sentir...
    Grosses bises à tous deux.
    Pap's et Pierre

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