Nous survolons les cimes enneigés du Pakistan et de l'Afghanistan en songeant que nous n'aurions jamais pu franchir de tels sommets sur nos bicyclettes. Au-dessus du Pamir tadjik, scotchés au hublot, nous mesurons l'ampleur de notre challenge. Dans quelques mois si tout va bien, nous traverserons à vélo cette chaîne immense aux cols culminant à plus de 4000m.
Notre avion nous dépose à l'heure sur le tarmac d'Almaty, la "Ville des Pommes". La
campagne environnante et ses montagnes enneigées
nous rappelle nos contrées suisses. On bourre tout notre barda dans
un taxi et en route pour la ville ou nous attend Artem, notre hôte
Warmshowers sur place. Le taxi n'est pas donné, on se fait arnaquer
selon la bonne vieille tradition en vigueur avec les taxis d'aéroports. Même
après une longue négociation on s'en sort à 15$, ce qui représente
beaucoup pour le trajet effectué. On se dit qu'on aurait pu remonter
nos montures dans le hall de l'aéroport et avaler les 15 kilomètres
à vélo... Too late.
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Un petit air de Cointrin |
Artem nous aide à remonter nos vélos
devant son immeuble. Nous montons toutes nos sacoches et nos vélos
dans le 2 pièces sis au 4è étage (sans ascenseur bien sûr). Les vélos trouvent place sur le balcon,
nous nous posons dans la cuisine pour partager un thé. Artem n'aime
pas cuisiner. Affamés, nous nous jetons avec culpabilité sur les
trois blinis de son petit-déjeuner qui traînent sur la table, ainsi
que quelques fruits secs qu'il nous propose. On commence à se demander si ce jeune
homme reçoit souvent des voyageurs sous son toit, car le contact
n'est pas facile et peu spontané, il nous faut constamment relancer la conversation. Peu après nous avoir montré de
belles photos de ses excursions dans les montagnes kazakhes toutes proches, Artem se
retranche derrière son écran d'ordinateur, coupant court à toute
discussion. Bon, on se dit que finalement on va partir plus vite que
prévu et ne rester qu'une nuit chez lui...
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Remontage des vélos avec Artem |
Dans cette ville de plus d'un million et demi d'habitants, un sentiment de froideur nous plombe. Sur la terrasse d'un restaurant, nous tentons de
planifier notre itinéraire au Kazakhstan. Nous n'avons pas besoin de visa pour les 15 jours à venir. Nous voulons traverser
la frontière à Kegen, au sud-est du Kazakhstan, pour pouvoir
ensuite longer le lac Issyk Kul au Kirghizistan. Petit souci: ce
poste frontière n'ouvre pas avant le mois de mai, mais la date
précise varie d'année en année. Nous sommes le 25 avril, il est assez
difficile de dégotter la date officielle qu'il nous faudrait, donc on hésite à
opter plutôt pour la sécurité et partir directement sur Bishkek
(ouest).
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Almaty - bienvenue dans la grisaille ! |
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En chemin dans le centre d'Almaty, nous rencontrons Alexandre et Segolène, deux cyclos de Lille qui comptent quelques 25'000 km au compteur... Nous partageons une soirée autour d'un repas sur la terrasse d'une auberge, à l'abri de la pluie. On les apprécie bien ces deux-là, on rigole bien, on s'échange nos expériences. Nous avons fait plus ou moins le même chemin qu'eux, mais en sens inverse. Eux reviennent de la fameuse frontière de Kegen, déçus car ils ont été refoulés. Par contre ils nous confirment qu'elle sera bel et bien ouverte dès le 1er mai. C'est le signe qu'il nous fallait, la frontière que l'on convoite sera ouverte pour notre passage dans une semaine! Alors départ.
Nous n'avons pas fait 40km hors
d'Almaty qu'une grosse voiture blanche s'arrête à quelques mètres
devant nous. Une petite famille en sort et nous fait de grands
signes. Sans ambages, Nazim, la maman nous invite chez eux. Ils
habitent à 20 km de là, dans la petite ville d'Esik au pied des
montagnes Tian Shan. Waw... On est un peu décontenancés par cette
proposition sortie de nulle part, mais ils ont l'air tellement gentils ! On se laisse tenter, Jonas leur propose
d'embarquer nos sacoches pour que nous soyons plus rapides jusqu'à
leur maison car la journée touche à sa fin. Nazim nous confie son
téléphone portable, nous disant de la joindre une fois à Esik.
Après la bifurcation pour Esik, la route se met à monter
progressivement sur une dizaine de kilomètres. Le rythme ralentit,
la nuit tombe gentiment, il commence à faire froid. Peu avant Esik,
gros flip ! L'Iphone de Nazim n'a plus de batterie, et on ignore
complètement où ils habitent... Car, bien sûr, on n'a même pas
pensé à leur demander leurs coordonnées. On se voit déjà dormir
sous un pont, sans vêtements chauds, sans sac de couchage, bref, en
ayant perdu toutes nos affaires...
Heureusement, Nazim est pragmatique.
Après avoir tenté de nous joindre sans succès sur son téléphone,
elle envoie sa nièce Zhanseya nous attendre au milieu du bled !
Quel soulagement lorsqu'on aperçoit la jeune fille ! A peine
remis de nos émotions, nous nous retrouvons dans la grande maison
plutôt cossue de Nazim et son mari Murat, tout impressionnés
d'atterrir dans ce chaleureux cocon. Presqu'aussitôt, le repas du
soir est servi sur la grande table de la cuisine. Nous dégustons
notre premier laghman (des pâtes avec de la viande), de la salade de
légumes, suivi de chocolat kazakhe, de confiture maison et autres douceurs.
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Une grande famille! De gauche à droite: Alibi, Nadia, Zhansaya, Ruslan, Nurumbek, Zhandos, Murat et Nazim |
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Nadia et Zhansara |
On fait connaissance avec la famille au
complet : Murat et Nazim, leurs 4 enfants Ruslan, Marat, Nadia
et Alibi, ainsi que la nièce et les neveux, Zhansaya, Zhandos et Nurumbek.
Rapidement, ils nous invitent à passer
quelques jours avec eux, afin de prendre part à l'anniversaire du
petit dernier, Alibi, le dimanche suivant. Askar, le frère de Nazim,
met un point d'honneur à nous inviter à son tour pour un fastueux
repas chez lui. Askar est un jeune homme d'affaire ambitieux et très
fier de son pays. Nous restons scotchés en découvrant sa luxueuse
maison aux innombrables pièces, l'immense salle à manger recouverte
de victuailles, un bania (sauna) et une piscine dans le jardin, pfiou, on se pince pour y croire…
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Murat et Nazim nous emmènent au lac Issyk tout près de chez eux (à ne pas confondre avec la lac Issyk Kul au Kirghizistan) |
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Parure pour cheval |
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Près d'Esik fut retrouvé en 1969 le tertre funéraire (kurgan) d'un prince ou une princesse Saka (scythe),
datant du 4è ou 3è siècle avant JC. La cataphracte (armure à écailles) est constituée de 4'000 pièces d'or
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Chez Askar nous attend un festin royal!
La famille est au grand complet, les enfants mangent à la cuisine |
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Jonas a reçu une belle casquette du grand-papa
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Le samovar |
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Le dimanche, pic-nic en bonne et due forme au bord du lac pour les 5 ans du petit dernier
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On s'essaie vaguement à la pêche, sans succès. Les montagnes Tian Shan au fond |
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Askar est féru de chasse et sa maman très fière de lui. |
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Joyeux Anniversaire Alibi |
Nous passons ainsi 4 jours parmi cette
famille kazakhe, partageant un peu de la vie quotidienne de ces gens d'une infinie générosité. Cela nous permet en outre de dormir au sec, alors qu'à l'extérieur il pleut des cordes à n'en plus finir.
L'islam est la religion majoritaire au
Kazakhstan. Nous nous rendons vite compte que les Kazakhs
entretiennent un rapport plutôt... décontracté avec la religion.
Ici, on boit de l'alcool, les femmes ne sont pas voilées, on se rend
de temps en temps à la mosquée histoire de dire...
Un peu à contrecoeur, nous quittons notre sympathique famille et reprenons
la route le 2 mai, bien que la météo des jours suivants n'annonce
rien qui vaille. Nous suivons une petite route secondaire plutôt
bucolique, longeant un canal. La traversée de quelques villages
vraiment reculés nous met mal à l'aise. Les
villageois, assis devant leur maison ou groupés devant les petites
échoppes, nous regardent comme des bêtes curieuses et les sourires sont bien rares. On se sent pas trop les
bienvenus... Heureusement, les enfants, eux, nous saluent en rigolant et sont tout réjouis à l'idée de nous accompagner au puits
remplir notre poche.
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La mosquée d'Esik. Les pluies des derniers jours ont gonflé la rivière Issyk |
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Camping humide |
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Pas tant la canicule par ici |
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Bergers à cheval |
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On se croirait dans un film Trigon |
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Quel trafic!!! |
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La steppe kazhake |
Au bout d'une centaine de kilomètres, nous débouchons sur la route principale qui mène au Charyn Canyon. Une fois au panneau qui l'indique, il faut encore suivre une piste
de 10 km pour parvenir au canyon proprement dit, situé au sein de la réserve
naturelle de Charyn. Un superbe endroit, où nous campons joyeusement
en compagnie de trois cyclos, deux frères Australiens et un
Glaronnais qui nous racontent leurs voyages. Le lendemain nous nous engageons dans
une jolie promenade au fond de ce canyon gigantesque, long de 80km.
Nous empruntons un sentier escarpé jusqu'au fond de la gorge où
coule une rivière glaciale. Nous espérions nous laver dans l'eau
fraîche, mais nous pouvons tout juste nous rincer les pieds, tant
l'eau est froide ! Nous reprenons nos bikes après avoir
remercié nos amis australiens qui ont surveillé notre tente et
toutes nos affaires en notre absence. Confiance de cyclovoyageurs!
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Sacré vue par la fenêtre de la maison! |
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Plus près du ciel |
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Charyn Canyon |
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Arizona? Non, Kazakhstan |
Les 10 km de piste que nous devons
refaire en sens inverse nous paraissent bien chiants cette fois-ci. Le
terrain, sableux et cahoteux, est en légère montée. La route
principale retrouvée, il nous faut monter un petit col, qui nous
gratifie d'une superbe descente avec vue sur le côté du canyon. Un
paysage à couper le souffle, on se croirait dans le Grand Canyon en Arizona. Tout au loin, on aperçoit la longue montée qui nous attend.
Interminable, effectivement, de plus agrémentée d'un
petit vent de face persistant.
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Hier beau soleil couchant, ce matin la pluie menace, encore!? |
Le ciel semble se préparer à l'averse
le matin suivant, lorsque nous levons le camp. De gros nuages
encombrent le ciel et ne présagent rien de bon pour la journée.
Effectivement, c'est dans la montée d'un nouveau col que nous
recevons nos premières gouttes. Nous finissons notre ascension sous
des litres de flotte, pas d'endroit pour s'abriter ! Ah, la dure
vie de cyclistes sur les routes de l'Asie Centrale. On en aura plein d'autres au Kirghizistan, des journées comme celle-ci, oh oui!
Nous arrivons enfin à Kegen et cherchons le seul hôtel de la ville. La façade décrépie et
l'allure abandonnée du lieu ne nous invitent guère à y trouver
refuge. Un passant nous voit attendre devant le portail fermé et
appelle pour nous le numéro inscrit sur la grande porte métallique
verrouillée. À notre surprise, l'intérieur se révèle plutôt
confortable et chaleureux, une fois douchés et au chaud sous les
couvertures. Dehors une nouvelle averse fait rage.
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On attaque le col avant Kegen |
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La vue depuis le seul hôtel de Kegen, pendant une brève éclaircie |
Au lendemain, un splendide soleil nous
offre des vues imprenables sur 360 degrés, nous sommes véritablement
entourés par la majestueuse chaîne des Tian Shan, dont les sommets
avoisinent les 7000m. On se régale de faire partie du paysage, si
petits que nous sommes. Nous pédalons dans la vallée verdoyante de
Karkara, où se trouve la frontière kirghize que nous atteignons en milieu
d'après-midi, ralentis par un vent frontal à nous clouer sur place.
Après un « Ciao ! »
cordial et une poignée de mains entre Jonas et les gardes-frontières kazhakes, nous avons droit à une
fouille complète de nos sacoches. Le contenu de la trousse à
médicament est détaillé scrupuleusement. «No cocaïn, no heroïn?»
nous lance le garde-frontière, amusé, supervisé par un militaire
kalashnikov en bandouillère.
Nous faisons tamponner nos passeports
du visa gratuit de 60 jours pour le territoire kirghize et fuyons ce
plateau venteux, pour nous planquer derrière une collinette, le
temps de dévorer notre pic-nic.
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L'ancienne mosquée de Kegen |
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Kegen, dernière ville avant le Kirghizistan |
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Des paysages de fou
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Et un poste-frontière du bout du monde En route pour le KIRGHISTAN |
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C'est parti pour l'Asie Centrale. On vous envie, ça reste parmi les plus beaux souvenirs.
RépondreSupprimerProfitez bien.
Eric et Charlotte
J'ai envie d'aller là bas !!!
RépondreSupprimerProfitez à fond mais faites gaffe aux sacoches quand même...
Époustouflantes, extraordinaires, superbes vos photos.
RépondreSupprimerLes couleurs sont très belles et les panoramas donnent bien la dimension de ces pays d'Asie centrale...
J'aime aussi beaucoup les portraits car cela permet de sentir un peu comment vous vous sentez...
Je n'ai pas encore lu...
Je reviens après.
Bisous...
La lecture est abasourdissante...
RépondreSupprimerComment osez abandonner vos sacoches, tout votre matériel indispensable à votre vie de cyclo en des mains inconnues.
C'est la que je reconnais la confiance qui nait dans le voyage à force de belles rencontres et de profonds rapports humains.
Méditation: en effet, de telle paysage invite à ce respect de l'environnement, des humains qui le peuplent, respect de la nature qui dans ces contrées prend des proportions inhumaines comme vous l'avez ressenti dans l'avion.
Et puis, deux petits suisses et d'autres comme eux, de coup de pédale en coup de pédale, absorbent cette nature, intègrent ce paysage, fait corps avec lui, qu'il pleuve averse, qu'il vente; le combat est inégal mais la persévérance, l'endurance, la volonté permettent de surmonter les obstacles et d'aller son bonhomme/bonnefemme de chemin et de s'approcher chaque jour un peu plus de son fort intérieur et de l'espace sacré qui unit un couple...
Allahas maladek, güle güle
Je vous aime et vous admire
... de tels paysages invitent...
RépondreSupprimerJonas and Emma good luck to You. Happy road. And drive safely to home. You know that You have in Kazakhstan, there is a home that You will always be waiting.
RépondreSupprimerMagnifique,
RépondreSupprimerJe vous admire et bonne continuation !
anne-lise chevalier