Le voyage pour Athènes fut
plus long que prévu suite à un retard lors de notre escale à Kiev.
Avant d'atterrir à Athènes, nous découvrons depuis le hublot de
l'avion la topographie de la Grèce, avec ses reliefs, ses côtes découpées, ses étendues d'oliviers et ses plages. Nous récupérons nos deux
vélos et nos bagages encartonnés. Il fait encore jour, le soleil et
la douceur du climat nous permettent de déballer et remonter nos
bicyclettes sur le parking devant l'aéroport. Il nous faut peu de
temps pour réaliser que nous sommes de retour en Europe: ici, les
gens nous ignorent superbement. Personne ne nous adresse la parole ou
ne nous salue. Bon, l'avantage c'est qu'on arrive au moins dans le
calme et que les vélos sont rapidement remontés.
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Vélo Ikea |
Malheureusement, personne
n'a répondu à nos demandes de logement sur Warmshowers ou
Couchsurfing, et les contacts que nous essayons de joindre depuis une
cabine téléphonique de l’aéroport nous rembarrent. Déçus et
fatigués, nous prenons le métro pour rejoindre le centre ville. Le
voyage nous coûte 18 euros, soit la même somme que 500 km en taxi
dans le désert ouzbèke, soit aussi un poil moins que notre budget
journalier d'environ 20 euros. À l'auberge de jeunesse, dans un
quartier excentré et un peu crado, on nous demande 28 euros pour 2
en dortoir! Ouch, la claque... Bon, cette fois-ci, on est bien en
Europe, il va falloir être vigilants avec le budget...
Le lendemain, nous faisons
un tour en ville, nous traversons le vieux quartier anarchiste juste
derrière le musée archéologique, puis on monte voir la vue sur la
colline au centre d'Athènes. La ville est compacte, d'un blanc
uniforme, et toute en vallons. Au loin, la mer scintille. Nous
traversons le centre, ses rues piétonnes et commerçantes (Ô H&M,
Mango et autres Zara. ça ne nous avait pas manqué, ça, tiens...)
avant de nous glisser dans le Musée de l'Acropole.
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Vue de la ville depuis la colline |
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L'Acropole en Lego |
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Hermes, dieu des voyageurs |
Le lendemain, Emma décide
de visiter l'Acropole pour la
modique somme de 20 euros (raaaah) pendant que
Jonas préfère se balader gratuitement sur la colline voisine pour
croquer la face sud-ouest du site. En fin d'après-midi, on fait la rencontre de deux migrants syriens, arrivés à Athènes voilà 6 mois. Dans un anglais très correct, l'un deux nous explique qu'ils attendent de pouvoir aller en Allemagne.
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Le site de l'Acropole. Il n'y a pas foule, tant mieux... |
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L'Erechtheion et ses drôles de dames, les Koré |
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Fenêtre sur cour |
Entre-temps Manolis,
contacté sur Couchsurfing, a répondu favorablement à notre demande
d'hébergement. Il habite à Glyfada, à 10 km du
centre sur la côte. Nous sautons dans le tramway pour nous y rendre. Par la fenêtre, le stade Elliniko, transformé en camp de migrants. Tentes sommaires et chaos glauque, la misère humaine aperçue du coin de l'oeil. Nous nous sentons impuissants et tristes.
Nous resterons chez Manolis 3 nuits afin d'atterrir un peu et
préparer l'itinéraire grec. Notre hôte nous emmène à la plage un
dimanche, l'ambiance est vacancière. Comme sur les cartes postales la mer est magnifique, d'un bleu turquoise incroyable.
Au petit matin du 23 août,
nous remercions Manolis de son hospitalité et prenons congé de lui.
Après presque un mois sans pédaler nous voilà à nouveau en selle,
encouragés par un petit vent de dos bien agréable. Nous longeons la
côte en direction du sud, en prenant des bains de mer tous les 20
km. Tout va bien, et mieux que ça, on est heureux! En Grèce le camping sauvage
est interdit, et sur cette côte très peuplée quasiment impossible.
En fin de journée, nous demandons à 2-3 propriétaires de maisons
pour poser la tente sur leur terrain, tous nous envoient au
camping voisin. Donc ce soir-là, on termine notre balade au camping
Bacchus et on en profite pour s'offrir l'apéro, petit verre de Muscat des
vignes du gérant.
Le lendemain est plein de surprises. Le vent n'a pas changé de direction, nous l'avons cette fois-ci en pleine face. Au sommet d'une colline nous apercevons une grosse tortue qui traverse la route. On s'arrête pour la déposer dans le champ voisin. Elle doit avoir au moins 30 ans, nous explique un passant. Malheureusement en Grèce les tortues paient un lourd tribut à la route, comme nous allons le constater de visu plus tard...
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Un beau spécimen! |
En chemin à la recherche d'un coin pic-nic, nous découvrons un beau monastère orthodoxe caché dans la forêt. On s'arrête pour remplir nos gourdes à la petite fontaine et croquer un morceau. Trois moines nous offrent successivement des figues, du raisin, des pommes, de l'eau et plein de sourires dissimulés dans leurs longues et grosses barbes noires ou grises. Puis c'est au tour de l’Archevêque Stefanos de venir nous saluer, dans sa longue toge noire. Nous sommes assez surpris lorsqu'il demande à essayer le vélo d'Emma. Ni une ni deux, le septuagénaire enfourche le vélo et fait le tour de la place, dans un équilibre précaire. Il emmène Jonas faire le tour du monastère (interdit aux femmes) et lui offre au passage 1 litre de vin fabriqué par les moines. Il nous prête sa Fiat Panda pour aller prendre un bain à la mer, à 7 km dans la crique en contrebas. Nous sommes ravis. La mer est déchaînée, c'est marrant, jusqu'au moment où une méduse atterrit sur le bras de Jonas. Pendant deux semaines, il garde la marque violacée laissée par les filaments.
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Le Monastère Metamorfosis de Sotiros |
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Voilà qui a le mérite d'être clair... |
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L'intérieur somptueux (qui a dit "surchargé"?) de la chapelle. Au sol, l'aigle bicéphale byzantin |
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L'Archevêque Stefanos se passionne pour notre voyage |
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Petite visite au couvent voisin |
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Ouch... |
L'Archevêque aime qu'on lui
raconte notre périple. Il nous offre la possibilité de camper sur
le balcon de l'annexe prévue pour les visiteurs, entourés des
vignes, des oliviers et des figuiers. Nous y séjournons 2 nuits sous
un vent impossible. Le moine Ioannis, doux et si chaleureux, nous
comble de victuailles tout au long de la journée. Nous savourons
notre première salade grecque, avec un gros bloc de feta couvert
d'huile d'olive pressée au monastère, puis Ioannis nous sert de
délicieux cafés grecs. Nous reprenons la route avec un petit
pincement au cœur. Ioannis a rempli notre sacoche de nourriture!
Loukoums, feuilles de vignes fourrées au riz, fèves en boîte,
figues juteuses, etc...
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Gâtés (et gavés) par le moine Ioannis! |
Les jours suivants nous
remontons la côte est jusqu'au port de Rafina afin d'y prendre le
ferry pour l'île d'Eubée. Le vent venant de la direction de cette
île, est toujours aussi fort. Les kitesurfers et les véliplanchistes
s'en donnent à cœur joie, nous on espère avoir un peu moins de
vent, une fois sur l’île. Nous débarquons au port de Marmari en
fin de journée. Notre objectif est de rouler jusqu'à Mantoudi, d'y
reprendre un ferry pour les îles Sporades où les parents
d'Emmanuelle viennent passer quelques jours de vacances avec un
couple d'amis.
Le soleil baisse à
l'horizon, on monte les premiers 100 m de dénivelé pour dégoter un
joli coin pour dormir. Nous nous arrêtons en plein virage, sur
l'esplanade d'une chapelle. La vue sur le petit village au coucher de
soleil est belle, nous choisissons de tenter l'expérience
«camping-église». Personne ne nous prête attention, on est
tranquille et il y a de l'eau courante, parfait. On se prépare à
souper puis on dort à la belle étoile. La nuit est douce, mais pas
tout à fait paisible. D'un hôtel en contrebas, la musique d'une
fiesta monte jusqu'à nous, ne s'arrête qu'au lever du jour. Autant
dire que nous n'avons pas trop bien dormi...
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En route pour Rafina |
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Le petit port de Marmari, sur l'île d'Eubée |
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Premier "camping-église" |
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Pure désolation. Il y a quelques années, un feu de forêt a ravagé cette région d'Eubée |
Sur Eubée, l'itinéraire se
révèle relativement difficile, la topographie étant très
montagneuse. Il arrive souvent qu'on descende au niveau de la mer
pour devoir remonter à 1000 m d'altitude. Mais les paysages sont
superbes et le bain de mer est presque quotidien. Nous traversons
l'île en quelques jours, profitant des divers petits bonheurs
qu'elle nous réserve. Tantôt une petite crique déserte pour y
passer la nuit, tantôt un petit bourg aux produits artisanaux
typiques, tantôt la vue extraordinaire du haut d'un col laissant
deviner une descente de plus de 600 m. Les paysages sont très
diversifiés et riches en contrastes. On savoure notre voyage.
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Ca sent le bivouac de rêve, là! |
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Kalimera! Le plus beau spot de camping de toute la Grèce! |
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Verger de figuiers |
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C'est beau! |
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Aucun respect! |
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La côte nord-est d'Eubée |
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Les bivouacs se trouvent facilement |
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La Gréce, c'est vraiment pas plat... |
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Descente au niveau de la mer, suivi d'une nouvelle montée de 600 m. Les journées sont épuisantes. |
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Nous sommes récompensés par des paysages et des ambiances superbes |
Parvenus à Mantoudi, nous
prenons le ferry qui nous dépose à 16h au port de Glossa, au nord
de Skopelos. Nous avons rendez-vous avec les parents d'Emma de
l'autre côté de l'île. Alors qu'on avait initialement prévu de
traverser l’île à vélo, on change d'avis en découvrant sa
topographie depuis le pont du ferry. On mettra les vélos dans le bus
qui traverse l'île en moins d'une heure. Nous avons un peu de temps
à patienter, on prend un ouzo sur une terrasse au port. Notre bus
arrive. Au moment de charger notre équipement dans les soutes vides
du bus, le chauffeur (un gros con obtus, soyons francs) refuse
catégoriquement nos vélos, déclarant que ce ne sont pas des
bagages. What the f...? Jonas insiste, perd patience, s'engueule avec
le chauffeur qui lui ferme les portes au nez et démarre. On reste
plantés là, déconfits, et il faudra bien maintenant traverser
l'île à vélo.
Notre rage nous permet de
grimper rapidement les 200 m de dénivelé pour atteindre la route
côtière. Nous devons traverser les montagnes du centre de l'île
pour rejoindre le port de Skopelos où séjournent les parents
d'Emma. Le dernier col culmine à 900 m. On ne s'y attendait pas! Une
belle étape au coucher du soleil, mais que de sueur! On arrive de
nuit, claqués, dans cette belle petite ville portuaire ultra-touristique.
Nous savourons de belles retrouvailles et pendant 5 jours, partageons
notre quotidien. Balades, plages, bons restaurants, un passage par
l'île voisine d'Alonnisos, de vraies vacances dans le voyage! Merci les parents Nater!
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Le port de Glossa |
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Chapelle de Skopelos |
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Le petit port de Votsi, île d'Alonnisos |
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Alonnisos |
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Des ambiances de carte postale |
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Les vacances dans le voyage! |
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Le vieux bourg de Patitiri |
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Chat en pot |
Quelques jours après cette
parenthèse des Sporades, c'est au tour des parents de Jonas de venir nous visiter en Grèce. Nous avons rendez-vous
dans le petit bourg de Zitsa, au nord-ouest du pays. Après une nuit passée au monastère de Zitsa, nous laissons
nos vélos à la boulangerie du village et repartons pour 4 jours
d'excursion en voiture de location. C'est bien agréable, de temps en
temps, de faire du tourisme sans notre barda! Les charmants
petits villages de montagne de Zagoria, les ponts de
pierre, les superbes forêts d'érables et de platanes qui jaunissent
progressivement, les virages en lacets... C'est de toute beauté, et par bonheur nous ne sommes pas à vélo! Nous en profitons pour visiter aussi au passage les monastères perchés de
Météora. Beaucoup de belles découvertes dans cette région!
Après le départ des parents Mayor,
nous restons 5 jours à Zitsa. Jonas se lève à 4h30 pour aider
Kostas à la boulangerie. Il y découvre la fabrication des
spécialités locales, qu'il se réjouit de
préparer pour les futurs apéros à notre retour en Suisse. Pendant ce temps Emma rédige l'article sur l'Ouzbékistan. Les jours passent vite.
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La boulangerie de Zitsa |
Le 8 octobre, nos amis
Camille et Raphael atterrissent à Athènes, pour faire une dizaine de jours à vélo avec nous! Chapeau bas, ce seront les seuls braves à
passer des paroles aux actes, haha!
Nous quittons Zitsa le 26
septembre, cela nous laisse du temps pour les rejoindre aux environs
de Corinthe. Quelle route prendre? Quelque soit l'itinéraire, en
Grèce c'est toujours vallonné, il y a des montagnes
partout. Alors on va au feeling, choisissant les routes qui nous
semblent les moins empruntées. Ça descend, ça monte surtout, on traverse des
petits villages oubliés par le tourisme, qui ont gardé leur charme
naturel. Les paysages sont très diversifiés, c'est un vrai bonheur de découvrir la Grèce à vélo.
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Entre Zitsa et la côte, des montagnes à franchir... |
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Il y a eu comme un petit souci, là. |
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"Camping-église" de luxe, la paix royale! |
Au bout de trois jours nous atteignons le bord de mer à Kanali, haut-lieu du tourisme balnéaire en été. La météo est très clémente, on se baigne encore souvent, presque chaque jour. Sur les côtes, tout est très calme, les touristes ont déjà déserté les plages. Ça nous permet de discuter les prix des chambres lorsqu'on choisit de se reposer une nuit à l’hôtel. Nos nuits, nous les passons le plus souvent sous la tente. Ici, nous sommes sujets à une crise mystique, nous n'avons jamais fréquenté aussi souvent églises, chapelles et monastères! Nous y trouvons toujours un robinet d'eau, des toilettes ou une prise électrique, et on s'y sent en sécurité! Parfois, un prêtre bienveillant et généreux nous apporte bouteilles de vin, huile d'olive et pot de Nescafé...
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"Camping-église" au milieu du village.
C'est ici que le prêtre nous a apporté bouteilles de vin, Nescafé et huile d'olive |
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Des "camping-plage" pas mal non plus. La vie est belle en Grèce. |
Nous rencontrons Camille et
Raphael à Kineta, sur la route de Corinthe. Ils sont en grande
forme, frais comme des gardons et motivés! Pédaler à 4, c'est
chouette et ça nous change. Cela nous plaît de partager un bout de
notre quotidien de nomades avec eux et nous leur sommes gré d'être
venus sans idées préconçues, juste ouverts à cette expérience.
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Chouette, notre première fondue depuis plus d'une année et demie! |
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Premier bivouac à 4 tout à fait bucolique, avec vue sur la raffinerie |
On prend la décision de
longer toute la côte est du Péloponnèse jusqu'à Monemvassia. Ici
aussi, les dénivelés sont importants, mais la côte
est tout aussi splendide et parsemée de jolis villages de pêcheurs...
Décidément, la Grèce est le pays de tous les superlatifs. Seule ombre au tableau, et de taille, les déchets. Comme en Chine (!), les bords de route sont jonchés de détritus, les bas-côtés et les forêts servent de décharge sauvage. Il semble qu'il n'existe aucun travail/effort de sensibilisation à ce problème. Les Grecs jouissent d'une nature magnifique mais ne la respectent pas du tout, ça fait mal au coeur.
Pour rejoindre Monemvassia, il faut s'éloigner de la côte et passer un col à 1000 m. Cela nous fournit une belle étape de montagne, ponctuée par un repas dantesque dans le petit village secret de Kremasti.
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Un sympathique "camping-plage" à deux tentes, à Paralio Astros |
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Accompagnés de Raphael et Camille, une belle brochette de cyclos! |
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Temps changeant par nébulosité variable |
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Après une journée entière de montée, arrivés à Kremasti, il fallait bien un festin pour nous requinquer! |
La longue descente qui
s'ensuit le lendemain est jubilatoire. Un petit jour de pause à
Monemvassia pour visiter ce rocher-citadelle. C'est touristique à mort, mais tellement beau, on s'en met plein les mirettes...
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Kremasti au petit matin. La météo du jour n'est pas très engageante |
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Shooting photo |
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L'une des nombreuses églises de Monemvassia |
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Au troisième plan, l'escalier qui monte sur la colline. |
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L'artisanat s'opère jusque dans la finition des maisons moyenâgeuses. |
Nous terminons notre voyage à Sparte, tels de vaillants
hoplites juchés sur nos vélos (oui bon, ça n'a jamais tué
personne un peu de lyrisme bon marché). Les adieux sont brefs,
Camille et Raphael prennent un bus pour retourner à Athènes, et
nous à Corinthe, avec un petit pincement au coeur.
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Vaut mieux arriver tôt pour mettre les vélos en premier, avant les valises!
Bonne route! |
Notre chant du cygne grec,
deux derniers jours à rouler sous la pluie pour franchir les 130 km,
pas franchement folichons, qui nous séparent de Patras. En chemin,
nous avons la joie de partager une soirée et une matinée avec
Thomas et son amie Arina, qui ont choisi la Grèce pour leurs
vacances, se disant qu'on pourrait s'y croiser!
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Salut les copains! |
Patras, 17h. Nous montons
dans le ferry qui nous mènera à Brindisi, dans les Pouilles,
délesté bien malgré nous de notre précieuse bonbonne de gaz. Un autre
chapitre commence, le dernier du voyage.
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Adieu la Grèce! |